Des perroquets grincheux ? (Par Joseph Castro. Traduction Manon Lemaire)

15/07/2015 | Cryptozoologia N°8, Newsletter

mauritius-1-raven-parrots-jphumeDes perroquets grincheux ? D’étranges animaux des îles décrits dans un rapport perdu depuis longtemps.

Le dodo n’était pas le seul animal farfelu qui habitait l’île Maurice : d’après de nouvelles recherches, des perroquets réputés pour leur mauvaise humeur, des pigeons à tête couverte de tubercules et bien d’autres animaux locaux remarquables mais à présent disparus avaient fait de cette terre leur foyer.

Des historiens avaient précédemment identifié ces animaux qui vécurent sur l’île avant l’arrivée des colons néerlandais au 17ème siècle, mais les détails les concernant sont restés largement inconnus.

«Il existe énormément de rapports concernant la faune originelle de l’île Maurice», explique Julian Hume, artiste et paléontologue spécialiste des oiseaux, affilié au Muséum d’Histoire Naturelle de Londres, «mais presque la totalité rapportaient des informations comme : « cet oiseau était facile à capturer’, et ‘il était bon à mangeré »».

Aujourd’hui, la collègue de Hume, Ria Winters, a découvert un rapport concernant ces animaux, écrit par un colon néerlandais.

D’après une déclaration de Hume faite à Live Science, la traduction du rapport, que Winters a découvert dans les Archives Nationales des Pays-Bas, à La Haye, au milieu de centaines d’autres documents qui restent encore à traduire, fournit de nombreuses informations sur le comportement, l’habitat et l’apparence physique de ces animaux qui vagabondaient jadis sur l’île.

 L’origine du rapport

mauritius-7-dodo-dry-forestL’île Maurice, la Réunion et l’île Rodrigues constituent l’archipel volcanique et isolé des Mascareignes, dans le sud-ouest de l’Océan Indien.

D’après Hume, alors que des marchands arabes et des navigateurs portugais connaissaient respectivement l’existence de ces îles depuis les 14ème et 16ème siècles, aucun des groupes ne s’y est établi.

Les Hollandais déclarèrent l’appartenance de l’île Maurice aux Pays-Bas en 1598, et la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (Vereenigde Oostindische Compagnie, ou VOC) utilisa périodiquement l’île comme station de réapprovisionnement pour les bateaux marchands voyageant vers les Indes orientales avant d’y établir une base permanente en 1638.

Vingt ans plus tard, ils abandonnèrent l’île après la découverte d’un passage plus court vers les Indes – et également, d’après Hume, à cause de la population de rats qui devint ingérable sur l’île Maurice depuis l’arrivée des Hollandais – pour seulement y retourner en 1664.

En l’absence entre autres de nouveaux comptes-rendus du gouverneur néerlandais de l’île, la VOC, en 1666, envoya sur l’île Maurice un soldat du nom de Johannes Pretorius, ainsi que deux autres personnes, pour vérifier le statut de la colonie.

A leur arrivée, ils trouvèrent le gouverneur bien vivant et en bonne santé, et Pretorius endossa le rôle de ziekentrooster, de celui qui vient réconforter les malades (autrement, il serait devenu gouverneur adjoint).

«Le ziekentrooster devait être une personne détenant l’autorité, et son travail était limité à l’explication de la doctrine chrétienne et au partage de prières. Seul un pasteur pouvait donner les grâces et les bénédictions», explique Hume.

Trois ans plus tard, en 1669, Pretorius rédigea le rapport découvert récemment (supposément écrit pour la VOC ) alors qu’il se trouvait à bord du bateau en route pour une plus grande station de réapprovisionnement de la VOC dans la péninsule du Cap, en Afrique du Sud.

Selon Hume, il est difficile de déterminer pourquoi Pretorius a écrit ce rapport. « Son style d’écriture suggère l’idée que la tâche lui avait été donnée de rédiger un compte-rendu sur la capacité de l’île à accueillir sur le long terme une colonie », incluant quelles sortes de cultures pouvaient pousser sur l’île et quelles espèces de la faune sauvage pouvaient être consommées.

 Un rapport éclairant

Bien que la lettre de Pretorius se concentre surtout sur les différents ongulés – parmi lesquels le bétail, les chèvres, les cochons et les cerfs – que les néerlandais avaient importés sur l’île Maurice, les parties les plus éclairantes de ce texte décrivent la faune originelle de l’île.

Par exemple, Hume avait précédemment fait valoir, en se basant sur d’autres rapports, que le perroquet-corneille de l’île, qui a disparu en 1675, avait un corps de couleur brun sombre, avec une tête bleue et un bec probablement rouge.

Mais en se basant sur les descriptions de Pretorius, et avec un nouvel examen d’autres compte-rendus, Hume pense à présent que l’oiseau avait des couleurs vives, à dominance de rouge.

Le rapport de Pretorius suggère également que le perroquet-corneille avait l’habitude de ne pas voler (il ne pouvait pas très bien voler, malgré le fait qu’il en avait la capacité naturelle), et que c’est ce défaut qui a probablement mené la créature à l’extinction.

L’oiseau était résistant et agressif, et avait, selon la description de Pretorius : «très mauvais caractère» ;  il était capable de repousser des prédateurs introduits sur l’île, tel que les rats noirs et les macaques crabiers, mais seulement à court terme, explique Hume.

Le caractère obstiné du perroquet l’empêcha également d’être exporté. «En captivité, il refuse de s’alimenter», écrit Pretorius. «Il préfère mourir plutôt que de vivre en cage».

Selon Hume, un autre animal intéressant originaire de l’île était le pigeon bleu de l’île Maurice (Alectroenas nitidissima), qui disparut en 1837. Toutes les autres espèces d’Alectroenas sont connues pour leurs têtes couvertes de tubercules, mais les peintres animaliers de l’époque représentaient A.nitidissima avec une tête lisse. «Cela semble bizarre, mais nous pensons que c’était peut-être le cas», explique Hume.

Cependant, d’après Pretorius, A. nitidissima était couvert de tubercules, tout comme ses cousins.

Dans son rapport, Pretorius décrit également le comportement et la faible intelligence du Râle rouge de Maurice, incapable de voler, et qui s’est éteint vers les années 1700, un oiseau parfois confondu avec le dodo dans les vieux documentaires.

Il décrit également le premier rapport, inédit, sur la nourriture des tortues géantes de l’île Maurice (des feuilles mortes et des pommes), mais aussi l’impact des animaux importés sur l’île ; le peu d’informations que les premiers colons néerlandais avaient de l’intérieur de l’île, qui à l’époque était inaccessible à cause d’une végétation extrêmement dense, et les difficultés de la culture de champs autres que de pommes de terre sur l’île, en particulier à cause de la voracité des rats.

Selon Hume : « L’information essentielle ici est que ce rapport montre combien il était difficile de simplement survivre sur l’île Maurice à cette époque ».

Hume et Winters ont récemment publié leurs analyses du rapport de Pretorius dans le journal Historical Biology.

(D’après Live Science  du 7 mai 2015)

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