Au large du Japon, des scientifiques viennent d’identifier une espèce qui n’avait encore jamais été décrite. Celle-ci appartient au groupe des baleines à bec (nommé Ziphiidae) et avait déjà été observée par le passé. Mais elle était jusqu’ici confondue avec un autre cétacé et n’avait jamais été vue comme une espèce distincte.

Les baleines à bec constituent un groupe de mammifères difficile à observer et étudier car ils préfèrent évoluer dans les grandes profondeurs et peuvent rester plus d’une heure sous la surface. Pour en savoir plus sur elles, c’est donc principalement sur des spécimens échoués ou des rencontres inattendues que les spécialistes doivent baser leurs recherches.

Parmi les 22 espèces de baleines à bec connues, le genre Berardius en comptait jusqu’ici deux : la baleine à bec de Baird (Berardius bairdii) que l’on rencontre dans le Pacifique nord et la baleine à bec d’Arnoux (Barnuxii) présente dans l’océan Austral. Au large des côtes de Hokkaïdo, les locaux avaient toutefois constaté l’existence de deux groupes légèrement différents nommés tsuchi-kujira et kuro-tsuchi.

Les deux étaient considérés comme appartenant à la même espèce B. bairdi. Pourtant, l’un des deux affichait une taille et une couleur différentes. Après avoir mené une première analyse génétique suggérant qu’il s’agissait de deux cétacés distincts, une équipe de scientifiques japonais et américains a décidé d’aller plus loin pour en avoir le coeur net.

Plus sombre et plus petite

« Rien qu’en les regardant, nous pouvions dire que [les baleines à bec] présentaient une taille nettement plus petite, un corps plus fuselé, un bec plus court et une couleur plus sombre comparé à l’espèce de Berardius connue« , explique dans un communiqué Tadasu K. Yamada du National Museum of Nature and Science de l’Université d’Hokkaido. Restait à démontrer scientifiquement ces différences.

Pour ce faire, les scientifiques ont travaillé sur plusieurs spécimens non identifiés de baleines à bec échoués sur les côtes de la mer d’Okhotsk. Les résultats publiés dans la revue Scientific Reports ont confirmé les soupçons. En plus de la couleur différente, les individus adultes ont montré une longueur significativement plus petite que celle de B. bairdii, d’environ 6-7 mètres contre 10 mètres pour cette dernière.

Illustration comparant la nouvelle espèce Berardius minimus (A) à l’autre déjà décrite, B. bairdii (B). – Tadasu K. Yamada et al., Scientific Reports

Des mesures crâniennes ainsi que des analyses ADN supplémentaires ont abondé dans le même sens et poussé les chercheurs à reconnaître la baleine à bec noire comme une espèce à part entière. Ils ont choisi de la nommer Berardius minimus en référence à sa taille plus petite.

Encore des choses à découvrir

Si la découverte d’un nouveau cétacé réjouit les chercheurs, B. minimus est loin d’avoir dévoilé tous ses secrets. « Il y a encore de nombreux choses que nous ignorons sur l’espèce« , confirme le professeur Takashi F. Matsuishi de l’Université d’Hokkaido, notamment parce que le nombre de spécimens étudiés était réduit et qu’il s’agissait uniquement de mâles.

« Nous ne savons pas encore à quoi ressemblent les femelles adultes« , poursuit le spécialiste, « et il reste encore de nombreuses questions liées à la distribution de l’espèce, par exemple« . Pour le moment, on ignore également quand et comment B. minimus s’est séparée des deux autres espèces répertoriées, B. bairdii et Barnuxii.

Néanmoins, les découvertes pourraient ne pas s’arrêter là au large du Japon. En plus des noms tsuchi-kujira (correspondant à B. bairdii ) et kuro-tsuchi (B. minimus), les pêcheurs locaux utilisent un autre terme pour désigner des baleines à bec, karasu (« corbeau » en français). Ce dernier désigne-t-il le même type de baleines que kuro-tsuchi ou est-il attribué à une population différente ?

Pour l’instant, cela reste flou. « Si karasu existe et désigne un troisième type, il pourrait s’agir d’une [autre] espèce qui n’a pas encore été reconnue« , concluent les chercheurs dans leur étude.

(D’après GEO )