Hier, je réfléchissais, une fois de plus, au contraste qui existe entre nos certitudes sur la très haute qualité de nos capacités cognitives et observationnelles, d’une part, et, d’autre part, tous les biais qui, en réalité, viennent les affecter, le plus souvent à l’insu de notre plein gré (comme disait un coureur cycliste connu, à l’époque de ses déboires judiciaires).
« L’écart est tel, entre nos certitudes et la réalité, que cela en est presque comique »
L‘écart est tel, entre nos certitudes et la réalité, que cela en est presque comique.
Par exemple, notre besoin inné de vouloir comprendre – ce qui n’est pas un mal en soi – mais qui nous fait chercher à tout prix des causes
pouvant expliquer des effets constatés – ce qui n’est pas mauvais non
plus – puisque c’est le crédo de la démarche scientifique.
Là où commence le dérapage c’est quand nous avons tendance à confondre un peu trop facilement les coïncidences et les causalités, prenant les premières pour les secondes, un mécanisme à la source de bien des superstitions, en plus de beaucoup d’inférences erronées.
Qui plus est, même quand des causalités existent réellement, entre des faits, nous pouvons aussi être portés à les inverser, prenant la cause pour l’effet et réciproquement.
Des pages entières de Wikipédia traitent de ce qui précède, et de bien d’autres faux raisonnements, et c’est très instructif à lire.
Nous sommes des animaux rationnels, mais cette rationalité est bien plus limitée que nous ne sommes prêts à l’admettre, et je ne parle ici que du raisonnement pur, sans ajouter les influences des mécanismes affectifs et émotionnels.
« Ajoutons à cela notre sensibilité aux Paréidolies »
Ajoutons à cela notre sensibilité aux Paréidolies, puisque notre système observationnel est majoritairement visuel, et bonjour les dégâts, en matière de fiabilité de l’interprétation de ces signaux optiques, par notre cerveau.
En outre, si notre cerveau est exposé à un contexte inconnu intégral,
parce que totalement nouveau, il essaie alors, désespérément, de se
raccrocher à du déjà connu, et s’il n’y arrive pas, il peut littéralement se planter, comme un ordinateur victime d’un bug informatique.
« Le système auditif peut être très facilement trompé, lui aussi »
Mais il existe des expériences qui montrent que même le système auditif peut être très facilement trompé, lui aussi.
Ces quelques exemples juste pour justifier, de ma part, que les
témoignages oculaires sont très exposés à ces biais, et d’autant plus
que la situation d’exposition est éloignée de l’ordinaire.
Qui plus est, dans sa tentative désespérée de se raccrocher à du connu, pouvant atténuer l’effet de choc de l’inconnu auquel il est exposé, le cerveau va fouiller dans ses souvenirs pour en trouver certains pouvant, plus ou moins, être corrélés à cette situation nouvelle.
Pour peu que le témoin ait été exposé à des images antérieures, issues de la Science Fiction ou bien de la sphère des monstres iconographiques, il va plus ou moins avoir tendance, mentalement, à assimiler ce à quoi il est exposé à ce qu’il a déjà vu.
Ainsi pour des êtres étranges, vus au sol, selon les époques, ce sont des démons (pour les gens instruits en religion), ou bien des entités déjà présentes dans le folklore ambiant, même si l’aspect de ce qui était observé différait fortement de ce avec quoi il y eut une assimilation explicative.
« Il y a l’espoir d’enfin voir par soi même… »
Plus pernicieux, quand on s’intéresse à un domaine comme la cryptozoologie, c’est que, pour les aficionados, il y a l’espoir, l’envie, d’enfin voir, par soi même, ce que l’on n’a pas encore pu voir en réalité, jusqu’ici, ce qui crée, lors d’une exposition à quelque chose d’inhabituel, mais inséré dans un contexte pouvant convenir, une tendance à voir ce que l’on attendait depuis si longtemps de voir, au lieu de voir ce qui est réellement là, et même moi, j’ai été sujet, parfois, à ce biais perceptif et interprétatif.
Sauf que, automatiquement et instantanément, chez moi, se met en place un système d’autocritique interne, du spectacle et de mon interprétation première de celui-ci, qui me fait vite sortir de ce biais cognitif, par la prise en compte d’une autre explication du phénomène, plus banale mais bien plus probable, surtout si le spectacle en question fut déjà vécu.
Du coup, lors d’expositions successives, l’effet de biais est de moins
en moins intense et durable, ce qui libère le cerveau pour une
observation détaillée, précise, authentique.