A la lecture du titre « Cryptides En Quête De Preuves » et en voyant que l’auteur était vétérinaire, je me suis dit : « Je n’ai jamais entendu parler de Jean-Philippe Wauty, mais en tant que vétérinaire je vais découvrir un livre sans aucun doute d’un grand intérêt scientifique ».
Que ne fut pas mon incommensurable déception ! Ce livre est tout simplement consternant !
En quoi est-il consternant ?
D’abord par le nombre colossal de fautes de grammaire, d’orthographe et de style ce qui donne l’impression d’un texte rédigé à la va-vite, en y fourrant, en désordre, plein de choses différentes qui n’y ont pas leur place – nous y reviendrons ! – avec le sentiment que cela fut fait pour arriver à gonfler suffisamment une pagination qui aurait été trop courte, sans ces pis-aller.
Eh oui ! de plus il faudra mener une recherche pour retrouver la moitié des photos que l’ouvrage…ne montre pas !
Erreurs historiques et zoologiques élémentaires
Plus grave, les erreurs historiques et zoologiques élémentaires.
Prenons pour commencer le chapitre « Un cryptide devenu espèce à part entière » et la mise en garde risible et plutôt digne de ce que pourrait écrire un pré-adolescent. Mais surtout on y trouve une première erreur historique et scientifique. Non, ce n’est pas le Calmar Colossal (mesonychoteuthis hamilton (sic !)) qui fut identifié au XIXe s par Japetus Steenstrup, qui était danois et non suédois, mais l’Architeuthis dux, donc le Calmar Géant. Et une première erreur zoologique dans la foulée ! vous avez bien lu mesonychoteuthis hamilton, or l’auteur aurait du savoir que le genre s’écrit TOUJOURS avec une majuscule et l’espèce avec une minuscule, ainsi il aurait dû écrire Mesonychoteuthis hamiltoni.
Autres erreurs
Je ne connais aucune attaque de lynx sur l’être humain et le fait de se faire attaquer par un loup est extrêmement exceptionnel au XXIe s. Il ne sait pas non plus qu’un renard n’aboie pas mais glapit.
A le lire on serait effrayé de descendre sur le terrain avec tout ce qu’on risque de rencontrer comme bêtes féroces réelles (lynx, loup, ours) ou imaginaires (loup-garou, dogman et autres E.T) prêtes à nous massacrer ou à nous infecter.
A croire que J-P Wauty n’est jamais allé dans la nature et que tout ce qu’il en connaît vient des films ou de la littérature de fiction.
Mais il y a plus grave pour le propos du livre : le Dr. Wauty ignore absolument tout de ce qu’est la cryptozoologie.
Petit rappel !
Rappelons que la Cryptozoologie, terme apparu sous les plumes des scientifiques Yvan T. Sanderson (« cryptozoology ») et le Dr. Bernard Heuvelmans (zoologiste) dans les années respectivement 40 et 50. est, pour simplier, l’étude et la recherche par des moyens et des méthodes scientifiques des animaux vivants de grande ou moyenne taille dont on ne connaît que des indices partiels sous forme de témoignages passés ou actuels, de traces indirectes d’activité et de présence (empreintes de pas, restes de repas, photos et films) voire de quelques rares traces physiques (restes de cadavres ou ADN) supposant la possibilité de leur existence physique.
Le fait que ces animaux recherchés soient des animaux vivants à notre époque distingue la cryptozoologie de la paléontologie qui, elle, s’occupe des animaux disparus.
Il existe quelques 200-250 dossiers ouverts par la Cryptozoologie qui va des grands classiques populaires (Yéti, Bigfoot, monstres lacustres, mokélé-mbêmbé, serpents-de-mer) à des animaux moins impressionnants et moins populaires (l’oiseau inconnu d’Hiva-Oa, la Rythine de Steller, le pic-à-Bec d’Ivoire, quelques marsupiaux, des cétacés à deux nageoires dorsales, grands félins en Grande-Bretagne,…).
A côté de ceux-ci, il ne faut pas oublier les animaux qui ne sont pas dans leur environnement original, les « Out-of-place » qui peuvent être de nouvelles espèces colonisatrices (chacal doré, chien viverrin) ou des animaux relachés dans la nature par des propriétaires indélicats.
Où le paranormal pollue la cryptozoologie
Malheureusement certains illuminés veulent y inclure des créatures sorties tout droit de l’imaginaire ou de la culture des comic books américains, tels Mothman, Frogman, Lizardman, etc et dont il ne manque plus que Batman et Spiderman ! Et n’oublions pas d’y joindre tout l’atlas des E.T divers et variés ! Toute une ménagerie digne des bestiaires médiévaux qui permet tous les délires pseudoscientifiques, ésotériques et paranormaux auquel l’auteur, pourtant vétérinaire, ayant donc reçu une formation scientifique, avoue clairement adhérer et sur lesquels il s’étend.
Que le Dr Wauty me cite un cryptide ayant une technologie de centaines d’années plus avancée que la nôtre !
Mais c’est bien sûr ! les cryptides pourraient être transdimentionnels ou abandonnés par des « soucoupes volantes » ! Pourquoi aucun cryptozoologue, à commencer par le Dr Bernard Heuvelmans cité plus haut, n’y a-t-il jamais pensé ? !!!
Soyons clairs : ce discours pseudo-scientifique n’a pas sa place en cryptozoologie sérieuse !
Soyons bon prince…mais pas trop !
Soyons cependant bon prince, la partie la moins déplorable de l’ouvrage est la partie sur les techniques de prélèvement, mais elle est malheureusement trop superficielle et trop imprécise, de la part d’un vétérinaire. Ainsi j’aurais aimé qu’il creuse un peu plus le matériel qu’il conseille de se procurer et en donne des références, car on dirait des conseils tirés du « Manuel des Castor Juniors ».
Par exemple, si je prends la partie prélèvements d’indices, elle manque de précisions et de détails.
En outre il préconise la mise en pochettes Ziplock étanches les prélèvements de matériels biologiques, mais il oublie que cette opération peut aggraver la vitesse de dégradation de ces prélèvements en peu d’heures dans certains cas, surtout sans mise de ces échantillons dans de l’azote liquide pour une longue conservation. Mais je conviens que cela dépasse les possibilités d’un amateur auquel cet ouvrage est censé s’adresser.
Rappelons l’intérêt de la pochette en papier, si possible stérile, justement pour éviter la prolifération bactérienne en milieu clos et humide.
Quant à conseiller, comme le fait l’auteur, avant moulage au plâtre d’une empreinte, d’enlever tous les débris présents dans cette empreinte mais sans dire de les sauvegarder, c’est également perdre bien des informations précieuses.
Personnellement, je ne conseille pas de le faire car certains de ces débris s’ils étaient présents au moment de la formation de l’empreinte peuvent nous donner des informations capitales sur la formation de celle-ci et sur l’anatomie du pied ou de la patte qui l’a imprimée dans le sol : de là l’intérêt de les laisser in situ dans le moulage en prenant soin de photographier le moulage avec ces restes de terre ou ces débris.
C’est tout autre chose, bien sûr, si ces débris sont arrivés APRES la formation de l’empreinte et donc n’ont aucun rôle à y jouer et peuvent alors être écartés.
Une bibliographie décevante
Enfin, on aurait aimé trouver une bibliographie un peu plus fournie concernant les techniques de prélèvement, mais aussi la cryptozoologie en général dont l’auteur ne cite que 3 ouvrages généraux et omet de citer le livre fondamental « Sur la piste des bêtes ignorées » (Dr. Bernard Heuvelmans, Plon 1955).
En conclusion
La maîtrise d’un sujet, c’est une chose, en maîtriser la communication à des tiers, c’est une autre chose ! Et là, il me semble que les deux aspects manquent cruellement à cet ouvrage.
Je vous enjoins de vous reporter plutôt à des ouvrages de cryptozoologie écrits par des scientifiques ou des chercheurs qui essaient de faire les choses suivant les règles scientifiques. Mais je concède que la littérature francophone est plutôt pauvre au regard des ouvrages qui sont publiés dans le monde anglo-saxons, dans lesquels il faut malheureusement parfois aussi faire un tri.