Quand des animaux légendaires deviennent réels : la cryptozoologie
Quand des animaux légendaires deviennent réels : la cryptozoologie…
« Ah ! un article qui parle de la cryptozoologie ! Je vais aller voir ! Surtout qu’il est publié dans Echosciences Grenoble et qu’en cette période de vaches maigres en cryptozoologie, c’est toujours bon à prendre « .
Et voici un article qui commençait bien :
Il y a bien longtemps en Chine, une légende conte l’existence d’un être d’une masse colossale appelé Fen-chu. On dit qu’il pèse environ 600kg, énormément poilu, ressemble à un rongeur possédant deux grandes dents en forme de pioche et qui vivrait en Sibérie. Est-ce que cette description vous dit quelque chose ? Assurément, vous le connaissez mais sous un autre nom et disparu depuis bien longtemps : le mammouth. Toute histoire a une part de vérité et si à partir d’histoire, nous pouvions faire avancer nos connaissances sur le monde ? Prouver que des espèces décrites dans des histoires et des légendes sont bien réelles. C’est le pari de quelques scientifiques partis à la recherche des animaux mystérieux
Malheureusement on comprend vite que l’auteure Emilie Demeure n’est pas quelqu’un impliqué dans domaine de la Cryptozoologie au travers de certaines erreurs et imprécisions qu’elle commet dans son article.
Le travail de démythification des récits pour tirer le vrai du faux et découvrir de nouvelles espèces, c’est la cryptozoologie. Ce domaine de recherche a été créé par Bernard Heuvelmans. Il s’est énormément inspiré d’un scientifique, Ivan.T.Sanderson connu pour s’intéresser aux phénomènes paranormaux, OVNIs et créatures légendaires comme nous montre l’un de ses ouvrages attestant de l’existence de dinosaures survivants sur le continent africain.
En fait Heuvelmans et Sanderson ont entamé leurs recherches indépendamment l’un de l’autre et Heuvelmans a créé le terme de « Cryptozoologie » sans savoir que Sanderson avait créé celui de « Cryptozoology » de son côté, ce n’est que plus tard qu’ils sont entrés en contact, d’abord de façon épistolaire puis par une rencontre physique en 1968, lors de l’affaire de l’Homme congelé du Minnesota ou Homme pongoïde, comme Heuvelmans l’avait nommé.
Mlle Demeure écrit :
« […] la liste d’Heuvelmans, […] montre une très forte présence d’espèces cachées dans des zones où l’Homme est énormément présent alors que ce sont les endroits les moins explorés et les moins modifiés par l’Homme qui ont le plus de chance de contenir des être [sic] méconnue [re-sic] des scientifiques ».
Cette idée, couramment émise, est entièrement un mythe. Ainsi, j’ai découvert énormément d’indices de présence de Sasquatches canadiens (ou Bigfoots) dans des zones très fréquentées par les humains. Cette analyse a d’ailleurs été confirmée par le Dr Jeff Meldrum, anthropologue et biomécanicien à l’Université d’Etat de l’Idaho, dans son petit ouvrage « Sasquach Field Guide« , que l’on peut trouver sur Amazon Kindle :
Sasquatch reports are concentrated near human population centers and recreational areas that border these habitats
Par ailleurs, de nombreux animaux récemment découverts ou redécouverts l’ont été dans des régions peuplées.
Il n’y a en fait pas de règle générale en ce domaine.
Vous l’attendiez peut-être, ce qui pose le plus de problème, c’est la recherche active des très connus Yéti, Bigfoot et monstre du Lochness [re-re-sic]. Ces animaux célèbres avec moult, références à la télévision et théories sur leurs existences, font partie de ceux qui ont la plus faible chance d’exister d’un point de vue biologique et font passer la cryptozoologie pour une chasse au monstre.
Et en ce qui concerne justement le Bigfoot/Sasquatch, il est au contraire l’un des dossiers les plus fournis et l’un des cryptides les mieux documentés. Ce qui est étrange n’est pas qu’il existe ou qu’il n’ait pas déjà été « découvert » (en fait il l’a été plusieurs fois), mais qu’il n’ait pas été reconnu par l’establishment scientifique, mais là il y a des explications que détaille le Dr. John Bindernagel dans son ouvrage The Discovery of the Sasquatch.
En ce qui concerne le « monstre du loch Ness », l’affaire semble entendue : il n’y a pas d’animaux inconnus dans le loch mais une conjonction de phénomènes hydrologiques, climatiques et zoologiques ont créé une chimère zoologique, c’est la raison pour laquelle il n’y aura jamais de découverte d’un cadavre ni d’un individu. Par ailleurs une étude récente (2019) d’ADN environnementale a révélé une quantité importante d’ADN d’anguille européenne, mais pas de trace d’ADN inconnu. Mlle Demeure n’est apparemment pas au courant des dernières recherches en la matière.
Maintenant, d’autres explications peuvent cependant être trouvées concernant les autres « lochs-à-monstres » qui existent sur la planète.
[…] l’affaire de l’Homme congelé du Minesota (sic) aussi appelé en anglais Minesota [re-sic] Iceman qui s’est révélé être un mannequin et non une espèce d’hominidés préhistorique [sic!], vivant à notre ère, tué par balle.
Au passage on aura remarqué que Mlle Demeure, n’est pas une championne de l’orthographe.
Pour revenir à l’Iceman du Minnesota, si en effet un mannequin a joué un rôle dans l’affaire il ne s’agit certainement pas de la créature qu’Heuvelmans et Sanderson ont d’abord observée et étudiée en décembre 1968 et un flou subsiste encore sur ce que ce spécimen originel est devenu.
Autres erreurs que l’on trouve dans le texte : le légendaire mé de la Chine n’est pas le tapir d’Asie mais le panda géant qui n’a pas été découvert en 1890 mais en 1869.
Voici donc quelques erreurs et imprécisions que l’on peut relever dans l’article.
J’aurais également aimé trouver dans l’article plus de références quant aux sources utilisées par l’auteure qui se contente de renseigner deux ouvrages : Rossi, L. (2016). A review of cryptozoology: towards a scientific approach to the study of “Hidden Animals”. In Problematic Wildlife (pp. 573-588). Springer, Cham. et Eberhart, G. M. (2002). Mysterious creatures: A guide to cryptozoology. Abc-clio.
Si elle s’était documentée davantage et avait peut-être interviewé des cryptozoologues (Michel Raynal, Benoit Grison, Eric Buffetaut ou moi-même, par exemple) Emilie Demeure aurait pu élever son article à un vrai niveau journalistique et non à un article de et pour collégien. Dommage !