Pourquoi de nouveaux sites de peuplement, antérieurs aux dates de 13 000 -17 000 ans, donc non conformes au paradigme dominant dit de « Clovis », ne sont-ils pas reconnus par la recherche nord-américaine ?
Dans un podcast publié dans l’émission de France Culture, Carbone 14, Eric BOEDA décrypte l’archéologie nord-américaine, ses enjeux, ses préjugés, son idéologie.
L’histoire aurait pu débuter en 1550, sous Charles Quint, avec ce qu’il convient d’appeler la controverse de Valladolid, controverse durant laquelle, le dominicain Bartolomé de las Casas, n’eut de cesse de répondre à une question : les Indiens d’Amérique ont-ils une âme ?
Hormis le plaisir de relire Jean-Claude Carrière, la question de cette humanité indienne n’est plus à l’ordre du jour depuis près de cinq siècles, mais la controverse a juste changé d’acteurs, au travers d’une nouvelle question, « qui fut le premier amérindien, et quand celui-ci foula-t-il le sol du continent américain » ? La controverse n’est plus religieuse, mais désormais scientifique, toutes deux sont toutefois animées par un même moteur : le prisme de l’ethnocentrisme… Le magazine d’archéologie de France Culture se propose de décrypter l’archéologie nord-américaine, ses enjeux, ses préjugés, son idéologie, avec Eric Boëda, professeur à l’université de Paris-Nanterre, directeur de la mission franco-brésilienne du Piaui (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères).
La thèse la plus acceptable par la communauté des anthropologues nord-américains est celle d’un peuplement vieux de 13 000-17 000 ans avant notre ère. Ainsi, la période dite de « Clovis », est considérée comme la première culture américaine d’où sont issus les ancêtres des Amérindiens. Cette arrivée tardive de l’Homme moderne serait liée à l’ouverture de la «Béringie », étroit passage reliant l’Amérique à l’Asie, qui s’ouvre et se ferme selon les pulsations du climat.
Une nouvelle découverte, publiée dans la revue Nature, vient d’être réalisée dans la grotte mexicaine de Chiquihuite et s’avère bien plus ancienne, avec des niveaux datés de 33 000 et 31 000 ans avant notre ère. Parallèlement, de nombreux sites archéologiques ont fourni de telles dates, parfois plus anciennes. C’est notamment le cas au Brésil, dans la Serra da Capi-vara, et désormais dans la Vale da Pedra et Esperanza, ainsi que dans les abris sous roche (sitio de Meio, Boqueirão da Pedra Furada, Tira Peia et Antoniao, grotte-la Pena). Les plus anciennes occupations remontent à 40 000 ans mais pourraient être encore bien plus anciennes.
Pourquoi tous ces sites, antérieurs aux dates de 13 000 -17 000 ans, donc non conformes au paradigme de « Clovis », ne sont-ils pas reconnus par la recherche nord-américaine ? Serions-nous sur un dogme lié à quelque idéologie ? La conquête de l’Amérique, porte sur la question de l’autre et non du nous, hors les enjeux ne semblent permettre de penser l’existence de l’autre, des autres… L’archéologie est enfin entrée dans une impitoyable compétition, une archéologie spectacle, s’exhibant dans des revues à fort « impact factor », une archéologie du scoop et des « winners ». Oui ! L’archéologie s’avère bien être un sport de combat !
Pour écouter le podcast :
En quoi cela concerne-t-il notre quête du Bigfoot ?
S’il est déjà difficile de faire admettre officiellement une occupation bien antérieure à 17.000 ans de l’Amérique par Homo sapiens, l’on comprend que faire admettre qu’une autre espèce humaine dont l’arrivée sur le continent peut être encore antérieure à celle des ancêtres des Amérindiens serait mission quasi impossible.